L'intelligence artificielle accélère l'IRM du flux sanguin
Les techniques d'imagerie permettent de détecter plus t?t les maladies cardiovasculaires. Les examens précis prennent toutefois beaucoup de temps. Des chercheurs de l'ETH et de l'Université de Zurich présentent désormais une méthode qui pourrait accélérer massivement les imageries par résonance magnétique (IRM) dynamiques du flux sanguin.
"Gr?ce à ce procédé, l'imagerie par résonance magnétique quantitative pourrait faire d'énormes progrès", se réjouit Sebastian Kozerke, professeur d'imagerie biomédicale à l'ETH Zurich et à l'Université de Zurich. En collaboration avec Valery Vishnevskiy et Jonas Walheim. il a développé une méthode qui accélère massivement ce qu'on appelle l'IRM du flux 4D.
"Aujourd'hui, l'acquisition et le post-traitement d'une IRM de flux 4D prennent jusqu'à 30 minutes. Nos résultats montrent qu'à l'avenir, cela pourrait être possible en cinq minutes". Le travail sous-jacent est paru en début de semaine dans la revue spécialisée "Nature Machine Intelligence" sous forme d'article et de couverture du numéro d'avril.
L'imagerie par résonance magnétique (IRM ou MRI) est une méthode importante pour le diagnostic clinique. Elle n'est pas dangereuse pour la santé et fournit des images précises de l'intérieur du corps. Elle permet de visualiser les parties molles comme les tissus et les organes en 3D et avec un contraste élevé.
En outre, des techniques d'imagerie spéciales fournissent des informations sur la dynamique du système cardiovasculaire. En particulier, les mesures d'IRM de flux 4D permettent de quantifier les changements dynamiques du flux sanguin dans les vaisseaux sanguins. De telles images dynamiques sont notamment très utiles pour détecter les maladies cardio-vasculaires.
L'IRM de flux 4D, couramment utilisée aujourd'hui, présente toutefois un inconvénient de taille : la méthode prend beaucoup de temps. Certes, l'acquisition des données dans le scanner IRM peut déjà se faire en quatre minutes. Mais cette acquisition comprimée (Compressed Sensing) a un prix : la reconstruction suivante de l'image est itérative et dure donc très longtemps.
Il faut compter 25 minutes ou plus pour que les images arrivent sur l'ordinateur du médecin. Par conséquent, les résultats de la mesure ne sont disponibles que longtemps après que le médecin a terminé l'examen. Pour ces raisons, l'IRM de flux 4D ne s'est pas encore imposée dans la pratique médicale quotidienne. Les modifications des flux sanguins sont aujourd'hui principalement diagnostiquées par ultrasons, une méthode plus rapide mais moins précise que l'IRM.
Des algorithmes élégants et efficaces
Dans l'article spécialisé qu'ils viennent de publier, les chercheurs de l'ETH et de l'Université de Zurich proposent un moyen de rendre la reconstruction d'images pour l'IRM de flux 4D plus rapide et donc plus pratique. "La solution réside dans des algorithmes élégants et efficaces basés sur des réseaux neuronaux", explique Kozerke.
Vishnevskiy, Kozerke et Walheim appellent leur nouvelle approche FlowVN. Celle-ci est basée sur l'apprentissage automatique, concrètement sur le "deep learning". Le logiciel apprend à partir de données avec lesquelles il a été entra?né au préalable. La particularité de FlowVN est son efficacité, car la méthode combine l'entra?nement avec la connaissance préalable de la technique d'enregistrement.
Cela signifie qu'il n'est pas nécessaire de disposer de milliers d'exemples d'entra?nement, mais de généraliser sur la base de quelques données. "Le réseau a donc besoin de très peu d'entra?nement pour fournir des résultats fiables", explique Vishnevskiy.
Dans le travail qui vient de para?tre, les chercheurs ont pu montrer que cela fonctionne. Ils ont entra?né le logiciel avec 11 scans IRM de sujets sains. Ces données ont suffi à reproduire avec précision le flux sanguin pathologique dans l'aorte d'un patient en seulement 21 secondes sur un ordinateur ordinaire. La procédure était donc plusieurs fois plus rapide que les méthodes traditionnelles - et donnait en outre de meilleurs résultats.
Donner un coup de pouce au diagnostic clinique
"Nous espérons que FlowVN donnera un coup de pouce à l'utilisation de l'IRM de flux 4D dans le diagnostic clinique", déclare Kozerke. Pour la présente étude, les données ont été reconstruites hors ligne. La prochaine étape pour les chercheurs zurichois sera donc d'installer le logiciel sur des appareils d'IRM cliniques.
"Ensuite, nous envisagerons des études cliniques à plus grande échelle sur les patients", explique Kozerke. Le partenariat de longue date avec les services de radiologie et de cardiologie de l'H?pital universitaire de Zurich est un atout pour les scientifiques.
Si les études de suivi confirment les résultats de l'équipe de Kozerke, la méthode pourrait un jour faire son entrée dans le quotidien clinique. "Mais d'ici là, il faudra encore attendre au moins quatre à cinq ans", estime Kozerke.
Afin d'accélérer le processus scientifique, son équipe a mis à disposition les codes exécutables ainsi que des exemples de données en open source. De cette manière, d'autres scientifiques peuvent tester et reproduire la méthode.
Référence bibliographique
Vishnevskiy V, Walheim J, Kozerke S. Deep variational network for rapid 4D flow MRI reconstruction. Nature Machine Intelligence, 13 avril 2020. doi : page externe10.1038/s42256-020-0165-6