Nombre aléatoire biochimique
Des scientifiques de l'ETH ont généré un nombre aléatoire réel énorme au moyen de la synthèse de l'ADN. C'est la première fois qu'un nombre de cette ampleur a été créé par des moyens chimiques et biologiques.
Le cryptage d'informations ainsi que les machines à sous nécessitent de véritables nombres aléatoires. Ce sont des chiffres qui sont réellement aléatoires et qui ne peuvent être devinés par personne, même pas par les personnes qui ont une connaissance détaillée de la méthode utilisée pour les générer.
En règle générale, on utilise pour cela des méthodes physiques. En raison de mouvements électroniques ultrafins à haute fréquence, la résistance électrique d'un fil, par exemple, n'est pas constante, mais fluctue légèrement de manière imprévisible. Les mesures de ce bruit de fond peuvent donc être utilisées pour créer de véritables nombres aléatoires.
Des chercheurs dirigés par Robert Grass, professeur à l'Institut de génie chimique et biologique, viennent de décrire pour la première fois une méthode non physique, mais chimique et biologique, pour créer de tels nombres. Les idées antérieures d'autres scientifiques visant à créer des nombres aléatoires par des moyens chimiques étaient plut?t de nature théorique.
Synthèse de l'ADN avec des éléments aléatoires
Les chercheurs de l'ETH utilisent pour cela la synthèse de molécules d'ADN, une méthode bien établie dans la recherche biologique et souvent utilisée depuis des années. Traditionnellement, celle-ci est utilisée pour produire une séquence d'ADN bien définie. Mais ici, les chercheurs ont produit des molécules d'ADN à partir de 64 éléments constitutifs, en pla?ant au hasard l'un des quatre éléments constitutifs de l'ADN A, C, G ou T à chacune des 64 positions. Ils y sont parvenus en utilisant à chaque étape de la synthèse un mélange des quatre éléments au lieu d'un seul.
Une synthèse relativement simple a ainsi permis de produire un mélange d'environ trois billions de molécules de ce type. Les scientifiques ont ensuite déterminé la séquence A-C-G-T de 5 millions de ces molécules à l'aide d'une méthode de séquen?age de l'ADN très performante. Cela a représenté 12 mégaoctets de données, que les chercheurs ont stockés sur un ordinateur dans une succession de zéros et de uns.
Une grande quantité d'aléatoire dans un petit espace
Les quatre éléments constitutifs A, C, G et T n'étaient certes pas répartis de manière totalement égale, comme l'a montré une analyse : Des subtilités de la nature ou de la méthode de synthèse ont fait que les éléments constitutifs G et T ont été intégrés un peu plus souvent dans les molécules que A et C. Les scientifiques ont toutefois pu corriger ce déséquilibre à l'aide d'un algorithme et générer ainsi des nombres parfaitement aléatoires.
En fin de compte, le professeur Grass de l'ETH s'est surtout attaché, avec ce travail, à démontrer qu'il est possible de générer des nombres parfaitement aléatoires à partir de l'aléatoire existant en chimie. Une application directe n'était pas au premier plan dans un premier temps. "Par rapport à d'autres méthodes, la n?tre présente toutefois l'avantage de pouvoir générer une grande quantité de caractère aléatoire au moyen de la synthèse d'ADN et de le conserver dans un espace extrêmement réduit, dans une petite éprouvette", explique Grass. "On peut aussi lire l'information et la réinterpréter sous forme numérique plus tard. Ce n'est pas possible avec les méthodes actuelles".
Référence bibliographique
Meiser LC, Koch J, Antkowiak PL, Stark WJ, Heckel R, Grass RN : DNA synthesis for true random number generation, Nature Communications, 18 novembre 2020, doi : page externe10.1038/s41467-020-19757-y