Les étudiants à l'ETH accélèrent l'innovation dans l'industrie
Des étudiants de l'ETH Zurich travaillent avec des ingénieurs du groupe technologique Bühler afin d'accélérer les innovations et de minimiser les risques qui y sont liés. Une collaboration fructueuse qui devrait profiter à d'autres entreprises.
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En bref
- Les innovations sont décisives pour le succès à long terme des entreprises sur le marché. En même temps, elles représentent un risque élevé.
- Une collaboration entre le groupe technologique Bühler et des étudiants de l'ETH Zurich montre comment accélérer les processus de développement et d'innovation tout en minimisant les risques.
- Les premiers résultats sont très prometteurs. Les deux partenaires réfléchissent maintenant aux possibilités de rendre de tels projets accessibles à d'autres entreprises.
Pour les entreprises, les innovations sont le facteur décisif de la réussite à long terme sur le marché. Mais en même temps, elles nécessitent de gros investissements et représentent un risque élevé. "Un projet d'innovation co?te rapidement deux millions de francs, et il s'écoule bien deux ans avant que nous sachions si la nouvelle idée peut être transformée en un produit commercialisable qui trouvera ses clients", explique Ian Roberts, Chief Technology Officer du groupe Bühler. Le groupe technologique suisse est un leader mondial dans la fabrication de machines pour l'industrie alimentaire et d'autres secteurs industriels.
Réduire les risques des décisions d'innovation
Comment accélérer les processus de développement et d'innovation et minimiser les risques : c'est autour de ces questions que s'articule la recherche de Mirko Meboldt, professeur de développement de produits et de construction à l'ETH Zurich. Au sein de la haute école, il gère le Feasibility Lab, qui aide les entreprises à tester leurs idées d'innovation.
Dans ce laboratoire réel, des étudiants et des post-doctorants développent, en collaboration avec les commanditaires, des prototypes aussi simples que possible qui représentent des fonctions centrales de processus industriels qui doivent être modifiés. Lors de la construction de leurs "prototypes de fonctions critiques", ils laissent de c?té tout ce qui n'est pas nécessaire pour vérifier une hypothèse ou une idée d'innovation donnée. Le laboratoire de faisabilité qualifie la stratégie suivie de "Lean-De-Risking".
Le Feasibility Lab et le groupe Bühler ont entamé l'année dernière une coopération, le BEXL - Bühler Exploration Lab, afin de tester le Lean De-Risking dans le processus d'innovation interne du groupe industriel. Sous la direction de trois chefs de projet expérimentés du laboratoire de l'ETH, une équipe de huit étudiants travaille actuellement au CUBIC, le campus d'innovation de Bühler à Uzwil. Fin 2023, ils ont présenté les premiers résultats à la direction de Bühler.
Transformer des idées folles en prototypes
Les produits qui sortent de l'extrudeuse, par exemple les aliments pour animaux ou les céréales, peuvent-ils être séchés à la vapeur chaude plut?t qu'à l'air chaud ? Du point de vue de la physique, cette méthode a le potentiel d'être plus efficace sur le plan énergétique. Pour décider si ce concept théorique peut être utilisé dans un produit, les étudiants de l'ETH ont développé une installation expérimentale modulaire sur laquelle différents sous-systèmes peuvent être rapidement testés.
Ils produisent la vapeur à 160 degrés à l'aide d'un thermoplongeur qu'ils ont raccordé à un four. Il est essentiel que le tapis roulant puisse amener le matériau dans le four de manière à ce que la vapeur ne s'échappe pas. C'est essentiel, car l'échappement de la vapeur réduirait à néant les économies d'énergie. Il a fallu deux semaines aux étudiants pour démontrer que la méthode fonctionne réellement. Et ce, à un prix avantageux : ils ont acheté le four pour 70 francs sur une plateforme d'occasion.
L'application dans la pratique est décisive
"C'est un exemple typique de la manière dont nos étudiants transforment des idées folles en prototypes qui se concentrent sur l'acquisition de connaissances critiques", explique Kai von Petersdorff-Campen, l'un des trois chefs de projet du Feasibility Lab. "Les mesures des essais constituent la base pour continuer à développer le prototype en direction du produit dans des sprints individuels", explique-t-il.
Mirko Meboldt se réjouit que les méthodes du Lab fonctionnent également dans la pratique sur le terrain : "Pour nous, il est indispensable de pouvoir travailler sur des projets réels afin de montrer que les nouvelles méthodes ont un impact". En même temps, il est décisif pour une mise en ?uvre réussie des méthodes que les chercheurs dans l'industrie s'en occupent de manière approfondie. Le moyen le plus efficace d'y parvenir est de collaborer à des projets réels.
Curiosité et questions comme moteurs
Ainsi, à Uzwil, les étudiants ne re?oivent pas les questions des chefs de projet ou du professeur. Ce sont les 24 Business Units de Bühler qui viennent vers eux avec leurs projets et leurs idées d'innovation. Jusqu'à présent, 60 projets ont été réunis, des plus simples aux plus complexes. Les étudiants sont très libres dans la définition des priorités, ce qui est déterminant, c'est la curiosité et l'expertise appropriée.
Pour développer leurs solutions, les étudiants travaillent en étroite collaboration avec les ingénieurs de Bühler. Ils commencent par leur poser des questions jusqu'à ce que tous les participants aient la même compréhension de la question qui se cache derrière l'idée d'innovation initiale. Selon sa complexité, l'idée passe par différents formats, de l'atelier d'une heure au projet d'une semaine.
Identifier les facteurs critiques
L'une des premières Business Unit à s'être adressée aux étudiants était celle des céréales et des légumineuses. La demande était la suivante : Développer un appareil permettant aux meuniers de déterminer la qualité de l'avoine lors de sa livraison afin de fixer le prix correspondant.
Pour les étudiants, la première question qui se posait était de savoir ce que devait mesurer un tel appareil de test. Outre le rapport entre le grain et la balle, c'est la facilité de décorticage des grains qui détermine la qualité de l'avoine, car elle détermine l'efficacité du processus de transformation. Il s'agissait donc de transférer sur un petit appareil de test les fonctions essentielles qui déterminent le processus de transformation sur les grandes machines.
"Nous avons identifié l'accélération du grain comme fonction critique", ont expliqué von Hopffgarten et Verzaroli lors de la présentation du premier prototype qu'ils ont fabriqué en carton et propulsé par pression d'air. Après des tests concluants, ils ont construit un deuxième prototype pour reproduire le processus de décorticage. Pour cela, ils ont utilisé des matériaux achetés dans un magasin de bricolage. Enfin, un troisième prototype plus élaboré a suivi, dont les résultats de pelage peuvent être comparés à ceux des machines industrielles.
Lean De-Risking fait ses preuves
"La procédure par étapes illustre de manière exemplaire ce que nous entendons par Lean De-Risking", explique von Petershoff-Campen. L'effort requis pour un test doit être sainement proportionnel à l'état actuel des connaissances. "Nous appelons cela une Smart Zone", explique le chercheur.
Les étudiants n'ont consacré que 18 heures de travail au premier prototype et ont travaillé avec du carton. Le deuxième prototype a été terminé après 40 heures de travail, et ce n'est qu'ensuite qu'ils se sont attaqués au troisième, dans lequel ils ont investi environ 400 heures de travail. Chaque itération a permis de réduire les incertitudes, ce qui a justifié un investissement un peu plus important dans le prototype suivant.
"Je suis ravi de voir comment les étudiants de l'ETH se sont adaptés ici, chez Bühler, et je suis profondément impressionné par la rapidité avec laquelle ils peuvent répondre à des questions fondamentales avec leurs prototypes", se félicite Ian Roberts. "Avec nos méthodes de développement établies, un projet comme l'éplucheur d'avoine aurait certainement pris deux ans au lieu de deux mois, et il aurait englouti plusieurs fois les ressources financières", explique-t-il. Sur la base des résultats des tests effectués avec le prototype, la Business Unit développe maintenant un produit qui devrait être présenté aux premiers clients au printemps.
Ouvrir la collaboration à d'autres entreprises
Le CTO de Bühler est convaincu que les petites entreprises de l'industrie suisse des machines pourraient également profiter d'une telle collaboration. "Nous étudions actuellement l'idée d'ouvrir notre CUBIC aux entreprises partenaires de Swissmem, par exemple, afin de leur permettre de coopérer avec l'ETH, ici à Uzwil", dit-il. er.
Du c?té de l'ETH, on est également ouvert à une extension de la coopération. "Nous sommes extrêmement satisfaits que notre approche ait également fait ses preuves dans la pratique et que nous puissions ainsi soutenir les entreprises industrielles suisses", déclare Meboldt. En même temps, les étudiants sont enthousiastes et ont énormément profité de cet aper?u de la pratique.