Un outil global contre la déforestation
Dans leur quête d'un bilan carbone positif, les entreprises s'efforcent de s'approvisionner en matières premières de manière durable. Mais comment les producteurs de denrées alimentaires peuvent-ils s'assurer que la déforestation est évitée dans les zones de culture ? Des chercheurs de l'ETH développent désormais un outil global que toutes les entreprises peuvent utiliser.
Dr Jan Dirk Wegner et Nico Lang du laboratoire EcoVision donnent un aper?u de leur projet de recherche avec le partenaire industriel Barry Callebaut dans une interview.
Quelles sont les stratégies permettant de rendre les cha?nes d'approvisionnement (par exemple pour le cacao) durables et d'éviter la déforestation ?
L'objectif premier est de ne surtout pas déboiser pour la culture des régions à forte biomasse, biodiversité (comme la forêt tropicale) et éventuellement utilisation traditionnelle par la population locale. En revanche, des plantations sont possibles dans les régions à faible biomasse. Cette méthode est mise en avant sous la direction de Greenpeace en tant que High Carbon Stock Approach (HCSA) et est soutenue par un consortium d'entreprises de culture et de transformation de premier plan (comme Barry Callebaut, Nestlé).
La difficulté réside dans l'obtention de données actualisées sur la végétation. De nombreuses entreprises emploient des équipes de durabilité qui collectent des informations sur le terrain, mais ces informations sont très incomplètes et manquent souvent de transparence. Les méthodes de mesure existantes, qui consistent à survoler de grandes surfaces en avion et à effectuer un balayage laser, sont très co?teuses et donc limitées en termes de portée.
Quelle est votre nouvelle approche ?
Notre approche consiste à utiliser des images satellites (comme celles de Sentinel-2). L'avantage est que ces images sont disponibles à l'échelle mondiale avec une résolution spatiale et temporelle élevée. Sentinel-2 fournit tous les cinq jours des images du monde entier avec une résolution allant jusqu'à 10 mètres. Le fait de disposer de nombreuses images d'un même endroit permet d'éliminer les nuages qui masquent la vue, même dans les régions tropicales.
Mais ce n'est pas si simple de déduire les caractéristiques de la végétation à partir des images satellites, n'est-ce pas ?
L'analyse d'une image seule ne permet pas d'atteindre l'objectif. Mais en combinant les données satellites et les applications d'algorithmes innovants basés sur les données (mot-clé : machine learning), nous pouvons obtenir des résultats étonnants.
Dans un premier temps, il s'agit d'estimer les hauteurs de végétation. Cela signifie que nous essayons d'extraire les informations 3D à partir d'images 2D, et ce avec un seul angle de vue. Nous connaissons ce type de problème par exemple dans la conduite autonome (monocular depth estimation) et nous transposons les méthodes aux images satellites optiques.
Dans un deuxième temps, nous collaborons avec la NASA pour déduire la biomasse au moyen de données de scanner laser collectées par l'ISS. L'avantage du laser est que l'on obtient des données de réflexion en 3D, du toit des feuilles jusqu'au sol, et que l'on peut ainsi tirer des conclusions sur la biomasse. L'inconvénient est que les points de mesure laser ne sont pas aussi denses. Nous utilisons les données laser comme données de référence et les combinons avec les images satellites optiques pour créer une carte à haute résolution. Pour ce faire, nous adoptons une approche de deep learning, c'est-à-dire que notre algorithme est alimenté par des données d'entra?nement et apprend les corrélations.
Quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous avons déjà généré des cartes pour des pays entiers (Gabon, Suisse) et ce, avec une résolution spatiale de 10 m et une précision de la hauteur de végétation estimée de ± 5 m. A terme, nous souhaitons générer une carte de la biomasse pour le monde entier et la mettre à disposition des entreprises.
Quand et comment la carte globale sera-t-elle disponible ?
Nous prévoyons de terminer le projet au cours des deux prochaines années, puis de publier, en coopération avec le consortium HCSA, un outil en ligne auquel toutes les entreprises pourront accéder à moindre co?t. L'objectif est de rendre objective et transparente l'information, qui est actuellement très incomplète et subjective. Toutes les entreprises pourront alors travailler avec les mêmes données sécurisées.
Ces résultats sont certainement intéressants pour d'autres secteurs.
Oui, absolument. De nombreux pays s'intéressent à notre carte pour l'utiliser, par exemple, dans le cadre de l'aménagement du territoire et de stratégies de développement durable. En outre, nos données sont bien s?r aussi extrêmement intéressantes pour la recherche climatique.
Contact/ Liens :
Pour plus d'informations, consultez le Site web du projet.
page externeApproche "High Carbon Stock". (HCSA)
Publication :
Lang, N., Schindler, K., & Wegner, J. D. (2019). page externeCartographie de la hauteur de la végétation à haute résolution dans tout le pays avec Sentinel-2. Télédétection de l'environnement, 233, 111347.
?tes-vous intéressé par d'autres "News for" passionnantes ?
Des histoires "industrielles" ?
page externeAbonnez-vous à notre newsletter
page externeSuivez-nous sur LinkedIn
Vous cherchez des partenaires de recherche à l'ETH Zurich ?
Contactez ETH Relation avec l'industrie